Du 14 février au 17 août 2025, la Philharmonie de Paris nous replonge dans les paillettes des seventies. Redécouvrez le mouvement boogie et enfilez vos pattes d’éph (on note déjà un grand retour du flair) pour l’exposition Disco, I’m Coming Out.
Au-delà des rythmes dingues et des stars, l’expo explore l’impact culturel du disco en réponse aux climats politiques et sociétaux entre les années 70 et le début des années 80. Archives rares, mises en scène et bande-son signée Dimitri From Paris, courez à la Philharmonie.
Yes, Sir. I can boogie
Tout d’abord, la scénographie spectaculaire a été imaginée par GGSV. Le studio de Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard est connu pour ses vitrines Hermès, une partie de la décoration du 19M (Chanel) ou la Galerie Party du Centre Pompidou de mai 2017.
Ici, vous entrez dans une véritable discothèque des années 70. Fini Paris, vous êtes à New York, c’est la Guerre Froide et le Vietnam est sous le napalm. Mais sur la piste, on exulte tout. L’ambiance pourrait être celle du Paradise Garage ou du Studio 54 (la drogue en moins). L’espace central est bordé de néons et de projections.
La musique, évidemment essentielle, est au centre. Grâce à une bande-son mixée par Dimitri From Paris, on retrouve les classiques du genre, de "I Will Survive" de Gloria Gaynor à "I Feel Love" de Donna Summer. Des enregistrements rares et des playlists vintage permettent aussi de revivre l’ambiance survoltée des clubs légendaires où le disco s’est forgé son identité.
A côté de la fête, l’exposition met en lumière la dimension militante du disco. Dès ses débuts dans les années 70, ce mouvement représentait un espace de liberté pour les afro-américains, latinos et LGBT. Les clubs new-yorkais étaient des refuges où la danse devenait une affirmation identitaire et politique. Loin des clichés réducteurs, Disco, I’m Coming Out explique comment cette musique a (entre autres) accompagné les luttes pour les droits civiques, la visibilité des communautés gays et l’émancipation des femmes.
Born to Be Alive, les origines du disco
Le disco n’est pas né par hasard. Il est le fruit d’une fusion musicale et d’un contexte social bien précis. À la croisée du funk, de la soul et de la pop, il émerge au début des années 1970 dans les clubs underground de New York.
À cette époque, la communauté LGBT se remet des émeutes de Stonewall (1969), le Proche-Orient est déstabilisé par la guerre de Kippour et Augusto Pinochet, soutenu par le gouvernement américain, prend le pouvoir au Chili par un coup d’État (1973). Côté économie, les deux chocs pétroliers de 73 et 79 marquent la fin des fastes des Trente Glorieuses. En réponse, les gouvernements Thatcher en Angleterre et Reagan aux États-Unis reviennent à l’austérité et au néolibéralisme. ABBA, dans son titre “Money, Money, Money” (1976) ironise sur les inégalités économiques et les difficultés financières.
Il fait meilleur temps pour les femmes, l’arrête Roe v. Wade légalise l’avortement aux États-Unis et Simone Veil passe sa loi pour l’IVG en France en 1975 ("It's Raining Men" – The Weather Girls 1982). Les mœurs changent au profit d’une liberté sexuelle de plus en plus assumée, du moins dans l’ombre des clubs. Dans cette période de bouleversements et de luttes, on cherche de nouveaux moyens d’expression musicale, et les discothèques deviennent des laboratoires sonores où les DJ réinventent la manière de mixer et de produire de la musique.
Dans ces clubs, les DJ David Mancuso, Nicky Siano et Larry Levan expérimentent avec le mix en continu, allongent les morceaux et créent des rythmiques hypnotiques qui poussent à la danse. Le disco, contrairement au rock ou à la pop traditionnelle, mise tout sur le rythme et la sensation corporelle. La batterie, la basse omniprésente et les arrangements de cordes deviennent des éléments distinctifs du genre.
We Are Family, les grands noms du disco
Dès 1974, des artistes comme Barry White, Gloria Gaynor, George McCrae et KC & The Sunshine Band popularisent ce nouveau son. Mais c’est en 1975 avec "Love To Love You Baby" de Donna Summer, produit par Giorgio Moroder, que le disco entre dans une nouvelle ère. Giorgio Moroder utilise les synthétiseurs (créés en 1952) pour créer des morceaux au rythme hypnotique et répétitif, une innovation qui influencera des générations de musiciens.


Les "disco divas" jouent un rôle clé dans cette révolution. Donna Summer, Gloria Gaynor, Diana Ross ou Candi Staton imposent une image de femmes fortes, indépendantes et assumées, à l’image d’une Aretha Franklin dont la musique “Respect” (1967) a largement été remixée dans les clubs disco. Village People, groupe conçu par les Français Henri Belolo et Jacques Morali, transforme quant à lui la culture gay en un phénomène mainstream avec des hymnes comme "YMCA" (aujourd’hui utilisé par Donald Trump pour son investiture de 2025).
Laissez-moi danser, le disco français
Si le disco est né aux États-Unis, la France ne tarde pas à s’en emparer. Dès 1976, des artistes comme Marc Cerrone (présent à la Philharmonie le 21 février), Patrick Juvet, Sheila B. Devotion, Dalida et Claude François intègrent cette nouvelle vague musicale. Marc Cerrone, avec "Love in C Minor", rencontre un succès fulgurant aux États-Unis avant de conquérir l’Europe.
La France voit aussi émerger Patrick Hernandez, dont le tube "Born to Be Alive" devient un hit international en 1978. Le disco envahit les discothèques françaises et s’impose même dans la variété, influençant toute une génération d’artistes.
Saturday Night Fever, le crépuscule
En 1977, le disco atteint son sommet avec le film "La Fièvre du samedi soir" (Saturday Night Fever). Le long-métrage, porté par John Travolta et la bande originale des Bee Gees, transforme le disco en phénomène planétaire.
Mais cette explosion commerciale signe aussi le début de son déclin. En 1979, le disco devient victime de son propre succès. Il est jugé trop commercial, trop omniprésent, et une partie du public se détourne du genre. Cet agacement culmine lors de la "Disco Demolition Night" à Chicago, où des milliers de disques sont brûlés en place publique. "Burn baby burn, disco inferno !" chantent The Trammps.
Hung up
Malgré son déclin dans les années 1980, le disco n’a jamais réellement disparu. Il a laissé une empreinte indélébile sur la musique électronique et la pop. Ses influences se retrouvent dans la house music, la techno et même dans la French Touch avec des artistes comme Daft Punk.
Dans les années 2000, des chanteurs comme Madonna, Dua Lipa ou Juliette Armanet rendent hommage à cette époque.
Disco, I’m Coming Out, à la Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean Jaurès, 75019. Jusqu’au 17 août 2025.
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