C’est bien l’un des rares rendez-vous parisiens où l’on prend plaisir à partager son bout de table avec le voisin. Où l’on échange facilement. Juste un grand sourire pour poser sa bouteille et la conversation est déjà engagée. Tout cela tient en peu de choses : un accueil inimitable, du pain, du beurre et des cornichons à profusion, une belle carte, de superbes quilles et surtout…pas de chaises.
Un comptoir pour tous
Avant d’être un lieu, les Avant-Comptoirs sont une idée. Celle d’un cuisinier béarnais amoureux de la cuisine populaire et des rencontres sans barrières, Yves Camdeborde. Après avoir révolutionné la bistronomie avec La Régalade, il choisit en 2004 de s’installer au cœur de Saint-Germain-des-Prés.
Créé en 2016, l’Avant-Comptoir du Marché est le dernier-né de la petite galaxie Camdeborde. Glissé sous les élégantes arcades du marché Saint-Germain, ce comptoir propose une vision libre et joviale du bistrot parisien : pas de réservation, pas de chichi, pas de hiérarchie. On y vient seul ou à dix, en espadrilles ou en costume, pour grignoter à 13h, trinquer à 18h ou s’ambiancer à 22h.


Le décor donne le ton : au plafond, les cartes des plats, légèrement destroy dans les encoignures, suspendues. Au mur, des affiches graphiques, et au-dessus du zinc… un énorme cochon rouge volant signé Anouck Dupont. L’emblème du lieu ? Sans doute. Une invitation à la fête, à l’inattendu ? Assurément.
De la bonhomie comme on en fait (trop) peu


Pousser le rideau en plastique de l’Avant-Comptoir du Marché, c’est entrer dans un théâtre du quotidien. Derrière le bar, Balthazar. Allure de loup de mer ou de bootlegger, ne vous fiez pas à sa carrure imposante et vous découvrirez un amour qui vous parlera avec passion des vins qu’il sert. À ses côtés, Corto, voix éraillée qui vous donne du « ma gâtée ». Affable, drôle, pur bonheur. Dans leurs sillages formidables, la pétillante Mina et autres beaux garçons. Le personnel tutoie, gueule et échange avec la même énergie que dans un vestiaire de rugby. Et ce n’est pas une erreur de casting : Yves Camdeborde, joueur passionné, a fait de la solidarité et du collectif des valeurs fondatrices. Aujourd’hui, il fait la passe à son neveu Julien.
Ici, on vous glisse une corbeille de pain (au maïs, c’est une tuerie lorsqu’il est encore chaud) comme on offrirait une tape amicale dans le dos. On joue des coudes, on se pousse un peu, on s’embrasse parfois. L’esprit bistrot vit encore, on découvre le titi qui vit en nous.
L’apanage du bon vivant
La carte de l’Avant-Comptoir du Marché ne tient pas dans un livret mais au plafond, sous forme de petites pancartes illustrées ou alors sur des feuilles volantes écornées qui ont vu le gras du pâté. On partage, on découvre. Les plus téméraires doivent passer le baptême : shot de sang. Je n’en dirai plus pour vous laisser le loisir de découvrir vous-même. Une bonne trentaine de propositions, renouvelées au fil des saisons et des arrivages, oscillant entre terre et mer.
Pas de sujet, tout est bon. Mon cœur (mon ventre) ne saurait se passer du Pâté des Avant-Comptoirs (que l’on peut acheter à emporter — vous le ferez), du Tarama et son pesto ultra-original, des croquettes (servies par trois, seul défaut franchement notable de l’établissement) ou des cœurs de canard.
Côté vins, l’expérience est encore plus jubilatoire : vous choisissez vous-même votre bouteille dans les grandes armoires vitrées et réfrigérées derrière le bar. On goûte d’abord — et c’est là toute la beauté du lieu — avant de choisir. Si l'on veut simplement un verre, pas de souci. La sélection commence à petit prix et peut grimper jusqu’à des cuvées d’exception. Conseil d’habituée (la bouteille fait le prix de quatre verres, le calcul est fait, la messe est dite.) La plupart des vins sont naturels ou en biodynamie, fidèles à la philosophie maison : du vivant, du bon, du sincère.
Ça ne s’arrête jamais
L’Avant-Comptoir du Marché ne dort jamais vraiment. Ouvert 7 jours sur 7, en service continu de midi à 23h, c’est un lieu fluide, sans heure fixe. Le midi, les habitués débarquent pour grignoter en vitesse ; l’après-midi, des flâneurs du quartier viennent refaire le monde autour d’un verre de blanc ; le soir, c’est la fête. Le volume monte, les corps se rapprochent, les verres se vident, les fous rires s’enchaînent. C’est un banquet sans fin.
L’hiver, on se tasse contre le comptoir, veste sur l’épaule, écharpe au cou, et vin rouge aux lèvres. L’été, on respire dehors, en short, verre de rosé à la main, entre touristes curieux et Parisiens fidèles. C’est cette absence de distance sociale, cette "grande proximité sans a priori", comme aime à le rappeler Yves Camdeborde, qui fait de ce lieu un antidote aux tables formatées et conceptuelles et aux effets de modes fugaces. Ce n’est définitivement pas une adresse pour les pète-sec.
📍14 rue Lobineau, 75006
Super article comme d’habitude nous connaissons l’établissement et partageons tout à fait vos écrits et ne manquerons pas d’y aller prochainement merci a Mr Candeborde de nous offrir un très bel endroit convivial