A la terrasse de la Rôtisserie de la Tour d’Argent, Paris devient un village
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Mercredi 25 juin 2025. Nous aurions pu flairer la tempête et choisir un autre soir pour diner sur la terrasse de la Rôtisserie (ouverte pour l’été), mais nous n’aurions pas vécu la même soirée. Retour sur la table « populaire » de la Tour d’Argent.
Autrefois, cette adresse canaille se nommait la Rôtisserie du Beaujolais, aujourd’hui elle arbore les couleurs de la Tour d’Argent, à qui elle fait face. Comme son nom l’indique, la volaille est à l’honneur. « Tout est bon dans le caneton » entonnent les affables serveurs en gilets bleus et nœud pap. Ce soir, l’air est lourd mais le soleil brille encore sur Notre-Dame lorsque nous nous installons, sur la terrasse du restaurant. Ni plus, ni moins sur le pont de la Tournelle, lui-même. Ce bel hôte majestueux qui permet de rejoindre les berges du cinquième arrondissement à celles de l’Ile Saint-Louis (dont le ciel de Paris est épris) nous transporte dans un Paris villageois et bucolique. La Seine coule sous nos pieds et Sainte Geneviève, érigée vers l’Est, veille sur la capitale. On entendrait presque un accordéon au loin. Les tables sont drapées de napes à carreaux rouges et blancs, la serviette est roulée.


Apéritif ? Évidemment. Par cette chaleur écrasante, on succombe sans plus de questions à la proposition du serveur. Le cocktail Ginette. Gin infusé au basilique, Gauloise verte et un trait de verjus. La boisson est rafraichissante, légèrement anisée. Les entrées sont servies, accompagnées d’un pot de rosé. La terrine est surprenante, après tout, au canard c’est peu commun, mais elle séduit. Les tomates stracciatella (en émulsion) sont simples, mais les points de crème d’olives relèvent le tout. Le ciel se noircit dangereusement, les serveurs nous invitent à rejoindre les murs de la rôtisserie. Ni une, ni deux, nous attrapons le pot de rosé, qu’on n’aurait su laisser aux affres de la tempête à venir. Tant pis pour nos vestes.
A l’intérieur, c’est un bouchon lyonnais couplé au bistrot parisien. Les tables sont dressées, serrées les unes aux autres dans la tradition de promiscuité chaleureuse. Dehors, le déluge s’abat sur Paris, les derniers clients sautent les torrents d’eau des caniveaux pour rejoindre la rôtisserie. Cela sent l’humidité, la purée au beurre, le vin rouge et le parfum de quelques belles dames attablées plus loin. Mais tous, dégoulinants, ont le sourire. On se sent bien ici. C’est simple, sans chichis malgré le pedigree de l’établissement. Arrivent nos plats. Une saucisse de canard et sa purée. Jus corsé dans le puits. On y plonge allégrement sa fourchette et l’on sauce sans vergogne. En face, un poulpe (il fallait bien un peu de mer), bien cuisiné. Il ne reste plus une goutte de rosé, on recommande un verre pour le dessert dans une carte joliment fournie (environ une centaine de références françaises, avec un large éventail de région).
C’est le dessert qui a parfait l’idée que je me faisais du lieu. Habituée à l’excellence de la crème anglaise de « Yaya », ma grand-mère, jamais je ne me serais attendue à la voir détrônée. Une île flottante d’anthologie. Les œufs en neige fermes, qui ne se transforment pas en écume gluante dans la bouche, certainement cuits au four. Et la crème. Quelle crème ! D’une onctuosité à ramollir les sentiments des plus acariâtres.
Une chartreuse jaune pour clore le diner et la pluie a cessé de tomber pour nous laisser rentrer après cette belle soirée.
Les prix sont un peu élevés, mais ils sont compensés par la qualité débonnaire du service. S’il y avait quelques clients d’hôtel, ce soir-là nous avons surtout croisé des habitués dans cette adresse aux airs titi.
📍19 quai de la Tournelle, 75005
Tous les jours de midi à 16h et de 19h à minuit.
Super lors de mon prochain voyage à Paris je ne manquerai pas de goûter cette île flottante…